Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
les arpents de neige

Simpson et ses carabiniers, mettant à profit les moindres obstacles, avançaient graduellement en tiraillant. Le grand point était d’obliger les demi-blancs à battre en retraite avant la tombée de la nuit.

— Déjà 4 heures passées…, murmura le lieutenant en remettant sa montre dans son gousset. Et ces damnés papistes qui continuent leur tapage d’enfer… Allons ! les garçons, encore un échelon ! Go ahead !

À la voix de l’officier, une douzaine de soldats bondirent vers les plus proches obstacles, en avant… Mais quand Edward, paraissant sain et sauf derrière un gros rocher, regarda derrière lui, il aperçut les trois quarts de ses hommes étendus sur le sol, ensanglantés, et le sergent qui avait aidé à transporter Went, à deux pas, la face contre terre, les membres tordus comme ceux d’un mannequin… Quant au reste du bataillon, abrité plus bas derrière un remblai, il n’avait pas bougé :

— Nous n’y sommes pas ! murmura l’officier avec découragement… Et, pour comble de joie, on dirait qu’il va pleuvoir…

Le ciel, qui s’était graduellement assombri dans le courant de l’après-midi, roulait, en effet, des nuages pressés et menaçants que le vent charriait vers le nord-ouest, et les craintes de Simpson ne devaient guère tarder à se réaliser. Ce furent des grosses gouttes, d’abord rares, peu à peu pressées, et, au bout d’un quart d’heure, la pluie tombait à flots avec un grand bruit mouillé que la fusillade dominait à peine…