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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/200

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hésitations

La figure de Louis Riel s’était assombrie… Brusquement, il se leva et commença à se promener de long en large, les mains derrière le dos, les yeux fixés à terre… On l’entendit murmurer :

— Que de sang !… que de sang va être répandu !

Et, un instant après :

— Mon Dieu ! ta volonté soit faite !

Il s’arrêta. Dans la salle régnait un profond silence. Tourné vers ses frères, le chef, très pâle, les yeux au plafond, paraissait prier. Au bout d’un instant, il laissa retomber sur l’assemblée ses regards. Ils brûlaient d’une fièvre extraordinaire.

Soudain il leva le bras, sa bouche s’ouvrit, et sa voix tonna par la pièce :

— L’Esprit m’a parlé ! Vous tous qui êtes ici, écoutez-moi ! L’Esprit m’a dit que notre devoir était de résister jusqu’à la dernière minute par la force aux entreprises de la force ! La droite du Seigneur nous soutient. Si notre sang coule, du moins ne coulera-t-il pas en vain !

Impressionnés, les exovides le regardaient.

Un cri terrible arrêta net l’orateur. Deux éclaireurs indiens, entrés avec Gabriel Dumont et Pierre dans la salle, et jusque-là assis sur leurs talons, s’étaient dressés tout à coup en brandissant leurs haches. En un instant, la pièce fut emplie de tumulte : aux vivats des exovides se mêlaient les jappements étranges des sauvages. Quand le calme fut un peu rétabli, Riel parla encore, et, après quelques observations de Dumont, de Lépine, de Garnaud, la séance fut levée au milieu de la surexcitation générale.