Aller au contenu

Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
l’entrevue

certaines divergences d’idées les avaient éloignés l’un de l’autre ; puis, peu à peu, leurs rapports s’étaient tendus sans que le cadet pût rien préciser ; il avait seulement remarqué que Pierre ne s’inquiétait jamais de lui ni de son état. Aux rares heures où ils s’étaient trouvés réunis, il avait souvent surpris les yeux de son aîné fixés sur lui avec une expression singulière, inquiétante, et fuyant dès qu’il semblait s’apercevoir de leur insistance.

— Y a-t-il moyen que tu voies Gabriel Dumont tantôt ? demanda l’aîné sans préambule. Te sens-tu assez fort ? Il a beaucoup de choses à te demander.

— À moué ?

— À toué… Pour lors, ce sera tantôt… C’est dit ?

— C’est dit.

Jean le regarda s’éloigner, songeur…

Que pouvait bien lui vouloir le chef Métis ? Il fallait que ce fût grave pour que, dans les circonstances présentes, il se dérangeât lui-même… Et, tout à coup, il songea que ce devait être à propos du Loucheux… Ce Cri était accusé, il le savait, d’avoir tenté de l’assassiner… le chef voulait peut-être ouvrir une enquête à ce sujet… Oui, ce devait être cela…

La journée s’écoula pour le convalescent dans l’attente de cette visite sensationnelle. Il était seul à la maison avec sa mère et ses sœurs. Pierre n’avait pas reparu. Son plus jeune frère travaillait « aux rifles-pits », le long de la rivière, et son grand-père venait de partir en mission, chez les Bois-Brûlés de Saint-Eugène de Carlton…

Ce fut seulement le soir, un peu avant la tombée