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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/211

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les arpents de neige

Tout en marchant, Dumont exposait à Jean-Baptiste la nécessité de veiller, malgré tout, sur son fils, à cause de l’Anglaise :

– Il est vrai, ajoutait-il, que les soldats de Middleton vont venir ces prochains jours lui donner de l’occupation, comme à nous tous. Ce sera la grande guerre, La Ronde ! J’espère que ton fils s’y montrera mieux qu’à la coulée et qu’il enverra à nos ennemis autre chose que des nouvelles de cette femme…

— C’est sûr, Dumont. C’est très sûr. Va, c’est un bon gas, au fond. Pas vrai, Pierre ?

Ainsi pris à partie, Pierre poussa un grognement sourd.

— Or, çà ! fit le père impatienté, est-ce que t’aurais encore quéque doutance de ton frère ?… Faudrait vouère ! t’es là pus muet qu’un poisson… Dis ton idée, si t’en as !

— Mon idée ? Eh ben ! la v’là, puisque vous le voulez ! Jean n’est qu’un failli Bouais-Brûlé !

Tout stupéfait de l’âpreté avec laquelle ces paroles étaient dites, Jean-Baptiste se tourna vers le chef comme pour en appeler à lui. Mais le lieutenant de Riel secoua philosophiquement les épaules :

— À ton aise, Pierre La Ronde, fit-il d’un ton calme. Seulement, voilà : moué, Gabriel Dumont, je tiens, à c’te heure, ton cadet pour un honnête métif. Si donc par malheur il attrapait une balle les jours-cite, faudrait que cette balle soye d’un fusil Snider, et non d’un rifle canadien… Tu comprends ? Et maintenant, que je te dise bonsoir !