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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/265

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les arpents de neige

quantaine d’années, qu’en dépit de son accoutrement de demi-Indien on eût facilement pris pour un blanc de race pure. Il était assez grand et très sec, avec une moustache fournie et une « impériale » qui lui donnaient un aspect presque militaire. D’ailleurs, il parlait bref, et l’on sentait chez lui un esprit autoritaire. Les gens de ce type moral ont assez souvent un excellent fond, et c’était le cas pour Guérin, — mais leurs opinions tranchées s’accommodent mal des contingences de la vie, et le parti pris est souvent l’envers de leurs franches et rudes qualités.

Plus qu’aucun de ses congénères, celui-ci haïssait les Anglais :

— Les « pourious » tirent exprès su nos maisons ! disait-il avec une colère concentrée. Y savent ben que c’est là qu’on a mis nos enfants et nos femmes. C’est pour ça qu’ils y envoient leurs boulets, quoique ça ne les avance guère…

— Ça ne les avance guère, en effet, repartit Trim. Pour la chance qu’y ont eue jusqu’à c’te heure ! Pas même celle de démarrer notre drapeau de su le clocher…

— Pierre La Ronde a fait là un fameux coup, foi d’homme, en le rapportant chez nous… D’autant qu’il a manqué d’y rester, à ce qu’on dit…

— C’est seulement sûr, Athanase ! Tu ne connais donc pas l’affaire ?

— Quasiment pas… moué, tu sais, j’étais su la gauche à défendre le cimetière.

— Pour lors, commença aussitôt le vieux Trim, tout heureux d’avoir à bavarder un peu. Pour lors, v’là ce qui s’est passé. Y avait p’t’être un quart