Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/162

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— Qui que tu veux, répliqua le père Giraud, chacun prend son plaisir où ça lui plaît.

— Il me semble qu’avec une fille droite on doit en prendre davantage.

— Si ça te semble et que ça ne lui semble point.

— Positivement, chacun est libre, appuya Lorillon.

— Pourtant, j’en ai eu mal au cœur pendant longtemps, avoua le père Giraud ; un gâs si bien planté avec une estropiée, j’en étais tout chagrin. Mais les éfants sont beaux et forts comme des chênes. Y a qu’à demi-mal.

— C’est la vérité pure, dit Tacheux, quoique ce soit extraordinaire.

— En y réfléchissant, continua Giraud, j’estime la chose naturelle. Un gâs comme lui sème trop vigoureusement pour que la mère ait de l’influence. Seulement elle en a trop, à mon sens, sur son cerveau. Elle ferait mettre mon fieu dans un trou de souris, et Dieu sait si ça serait facile.

Cependant Giraud et Estelle prenaient part à un quadrille échevelé, ou considéré tel dans la campagne où la moindre manifestation chorégraphique prend des proportions géantes. Quand les gâs tapent des pieds sur les planches des bals, cela constitue déjà quelque chose d’énorme, mais s’ils se livrent à des entrechats fantaisistes, ou lèvent les jambes à trente centimètres du sol, on affirme aussitôt que c’est une façon de danser échevelée. Tel ne serait point l’avis des habitués d’un bal parisien.

— Vérité au delà des Pyrénées, erreur en deçà.

La bossue était tenue d’avoir certains égards pour sa jambe infirme qui, malmenée, aurait pu compromettre l’équilibre général. Mais dans les moments difficiles, elle s’accrochait à Giraud après avoir fait quelques foulées à cloche-pied, bien que cette situation ne fût nullement justifiée par les règles du quadrille. En somme, elle s’amusait énormément et se rafraîchissait pendant les valses et les scottishs.

— Oui, continuait le père Giraud, elle a bien trop de volonté sur lui, ça m’effraie. Tenez, ajouta-t-il en baissant la voix, le cerf de la chasse du marquis, cause de tous nos ennuis, il l’a jeté bas pour la venger de Billoin qui l’avait plai-