Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/166

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l’assurance d’une conviction que les gens de villes ont sans l’avouer. Aussi ne leur appartient-il pas de s’indigner.

La bossue, elle, se contenta de dire :

— Le bon Dieu l’a puni. Il était trop dur au pauvre monde.

Trop dur ! cela pouvait paraître exagéré, puisque c’étaient ses collègues qui avaient verbalisé contre des braconniers et non lui. Cependant il était dur, tout simplement parce qu’il faisait peur.

On le craignait et par suite tous le détestaient, bien qu’il n’eût pris personne, précisément parce qu’on le redoutait.

Drôle de boîte que le cœur humain !

Cependant le fils Giraud, désormais tranquille, son ennemi étant cloué par la maladie, pénétra sur le territoire interdit.

Chose curieuse, allez donc nier après cette constatation l’esprit des bêtes, le gibier avait en foule élu domicile sur la garderie de Billoin. Il avait constaté sans doute qu’il régnait en cette partie forestière une tranquillité inconnue dans les autres.

Les ramiers, hôtes du Luxembourg et du parc Monceau, ont assurément fait des réflexions analogues, puisqu’ils sont devenus en ces jardins aussi familiers et hardis que de vulgaires pigeons de colombier.

Aussi le braconnier fit-il la première nuit une belle moisson, si belle qu’il ne la put emporter entièrement. Seulement il avait tenu compte de la recommandation de Loriot en ne descendant que deux biches. Toutefois les faisans avaient eu des morts et les lapins aussi.

Il avait fourré ces derniers dans son sac, caché une biche sous des fagots et jeté l’autre sur ses épaules.

Les gardes n’étaient pas sortis de leurs lits, et Billoin, qui délirait, n’avait rien entendu.

Pourtant ses divagations avaient toutes trait aux braconniers.

Il se figurait être toujours au moment où le dix-cors frappé à mort par Giraud s’abîmait dans la mare couvert par les chiens.

— Le salaud y a fichu çà au défaut de l’épaule. Son