Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/168

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on pense qu’il vient tirer des biches presque sous les fenêtres de Billoin ! Et il n’ignore pas qu’il est à la vie et à la mort.

— Il a raison, affirma Bizais. Il n’aura jamais si beau jeu.

— Peut-être bien. Mais ça me donne des envies de le pincer. Et je le ferais si je n’avais pas entretenu son père de la bicherie, dont la disparition, partielle bien entendu, est un bien pour la forêt. Il sait ce que parler veut dire, et la parole donnée est toujours la parole donnée.

— Ah ! ils peuvent en tuer des biches, chef, il y en aura toujours assez.

— C’est ce que j’ai laissé entendre au bonhomme Giraud. Aussi ils s’en donnent à cœur joie. C’est de la politique aussi, Bizais. Car que veut M. le marquis ? Des cerfs pour les chasses à courre. Eh bien ! malgré notre surveillance, ils finiraient par les tuer tous par vengeance, tandis qu’en fermant les yeux pour les biches, ces maudits braconniers épargneront les mâles. C’est un prêté pour un rendu et le pacte conclu sans dire mot sera respecté.

Je ne craignais que cet enragé de Billoin. Quelques jours avant sa maladie, j’avais essayé de l’amadouer. Plus souvent, il ne voulait rien entendre. Ah ! je le répète, Bizais, le bon Dieu fait bien les choses.

Ils ne s’embêtaient pas, les gardes, lorsque le marquis montait sur les pur-sang à Trouville et à Dieppe. Couchés à huit, levés à sept. Chaque semaine le brigadier Loriot allait faire son rapport au régisseur qui pensait toujours à l’interrogation annuelle.

— Combien tirerez-vous de la forêt eette année ?

— Eh bien. Loriot, quoi de nouveau, demandait l’homme de confiance du marquis ?

— Pas grand chose, sinon que ces sacrés braconniers fusillent ferme la bicherie.

— Et les cerfs ?

— Tous intacts.

— Parfait, laissez-les faire, ils n’en tueront jamais assez, affirmait-il lui aussi, suivant la formule adoptée. C’est une compassion de voir des taillis coupés depuis dix ans à peine