Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/46

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à l’improviste. Cela arriverait une de ces nuits d’affût à Giraud : car on ne saurait toujours prévoir tout.

Les animaux sauvages sont très défiants, néanmoins on arrive à les surprendre ; ceux même qu’une longue expérience a instruits, finissent par se faire tuer. Le vieux rusé en était un exemple.

Mais le garde goguenard continuait :

— Vous avez l’air toute chose, la Giraud.

Alors elle le regarda et reconnut Billoin, l’ennemi juré de son homme.

— C’est pas étonnant, répliqua la bossue, vous êtes tombé sur moi comme un renard sur une poule. Vous m’en avez fait une peur !

— D’où que vous venez comme ça ?

— Mais du marché, pardine.

— Hein ! vous y avez porté quelques-uns de nos lapins et peut-être de nos faisans ?

— Si on peut dire ! s’écria l’infirme en se dressant sur la pointe de son bon pied, si on peut dire ! Vos gibiers ne m’occupent guère. J’ai bien assez de mon beurre et de mes légumes à transporter dans mon panier. Et puis vous savez ben que Giraud travaille dans la nouvelle coupe qu’a achetée M. Boisard de Bernay. N’y a que les feignants qui braconnent. Nous n’avons pas besoin de ça, heureusement, pour vivre.

C’était Billoin qui demeurait silencieux maintenant. Il se contentait de la regarder avec ses petits yeux gris où l’on trouvait une lueur de férocité.

— Pourtant, finit-il par dire, le vieux dix-cors du Val-Monnier n’a tout de même point reparu. J’sais ben que ces bois-là ne me regardent qu’à demi puisque Bizais en a la moitié ; mais j’serais malgré ça curieux de savoir ce qu’il est devenu ?

— Pourquoi que vous me le demandez ? Est-ce que je sais, moi ?

— Oh ! pour rien, pour le plaisir de causer avec vous, la belle.

Cette appellation la mit en fureur.

— Dites donc, ne vous moquez pas des gens. La biauté