Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/65

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— Sans doute. Vous autres encore, vous n’avez que les ennuis matériels, mais moi j’en ai d’autres.

Tous les matins au rapport, le marquis ne manque jamais de me dire :

— Eh bien ! avez-vous pris un braconnier ?

Et, comme je me contente de baisser la tête sans répondre, il n’oublie pas d’ajouter :

— Je vous félicite et vous complimenterez vos hommes. Continuez, mon ami, continuez. Voulez-vous une gratification ?

C’est positivement à vous rendre fou, Bizais. Cochon de Billoin ! Ah ! je le fais pivoter aussi celui-là, pour sa peine. Et je le sais aussi vexé que moi. Alors il marche sans une plainte, ce qui me fait rager, car on a envie dans ces circonstances de laver la tête à quelqu’un.

C’est que nous avons affaire à de vieux braconniers qui ont instruit les jeunes. Il est plus facile de surprendre un renard qu’eux.

Mais Billoin, neuf encore dans le métier, s’est figuré qu’il les commanderait comme il secouait ses hommes, quand il était sous-officier.

Ils l’ont joué comme un enfant ; jusqu’au fusil qu’on lui a soulevé sous le nez en le gratifiant d’un coup de plomb à moineaux pour accentuer la plaisanterie. Tout ça finira mal.

Les maraudeurs nous laissent marcher jusqu’à épuisement. Ce résultat obtenu ils reprendront les hostilités. Cochon de Billoin !

Quant à moi, je n’en puis plus et je vais dormir.

Il n’avait pas fini sa phrase qu’il poussa un grand cri et disparut soulevé par une force inconnue.

Bizais eut un instant d’étonnement, mais s’expliqua presque immédiatement le phénomène.

Loriot était, lui aussi, la victime d’un braconnier. Il avait été saisi par un collet en fil de laiton suspendu à un bouleau courbé artistement et fixé très faiblement à un buisson situé en face. L’arbre, dégagé par la secousse, s’était brusquement relevé enlevant du même coup le chef enserré par le buste.