M’apporter sans pitié l’inconsolable adieu ?
Ma jeunesse tient-elle à si frêle cheveu ?
Me dis-tu que la vie est un brillant mensonge
Qui fuit comme au matin l’aile d’un joyeux songe ?
Mais je suis jeune encor ! Mais je sens dans mon cœur,
Nid négligé longtemps, éclore le bonheur !
Car l’espoir m’est venu, car une femme aimée
Sourit à mon amour, et mon âme charmée
Entrevoyant enfin des jours plus radieux,
Au printemps se refuse à faire ses adieux.
Tu n’es pas l’envoyé de la froide vieillesse,
Non, ce n’est pas encor le printemps qui me laisse.
Ce qui t’a fait blanchir, frêle cheveu d’argent,
Non, ce n’est pas la Parque au pas trop diligent ;
C’est plutôt, tu le sais, quelque sombre pensée
Hantant souvent mon rêve et souvent repoussée,
Mais revenant toujours se poser sur mon front…
Hélas ! ainsi que toi d’autres grisonneront !
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