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Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/45

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à craindre dans les condamnations. À la vérité, ils ne sont pas de nature à pouvoir se vérifier par l’expérience ; mais ces résultats ont cela de commun avec beaucoup d’autres applications des mathématiques, qui ne sont pas non plus susceptibles de vérification et dont la certitude repose uniquement, comme ici, sur la rigueur des démonstrations, et sur l’exactitude des données de l’observation.

Dans les années qui ont précédé 1831, et pour la France entière, la probabilité de l’erreur d’une condamnation prononcée à la majorité minima de sept voix contre cinq était à très peu près 0,16 ou 0,04, selon qu’il s’agissait d’un crime contre les personnes ou d’un crime contre les propriétés ; sans distinction de l’espèce de crime, elle avait pour valeur 0,06. D’après la formule de Laplace, cette chance d’erreur serait la même dans tous les cas, et à peu près quintuple de 0,06. Mais, il faut, en outre, observer que l’intervention de la cour étant alors nécessaire, dans le cas de la plus petite majorité, cette chance d’erreur 0,06 se trouvait réduite à un peu moins d’un centième si les juges confirmaient la décision des jurés ; en sorte que sur 1 597 condamnations qui ont eu lieu de cette manière, dans les cinq années écoulées depuis 1826 jusqu’à 1830, on peut croire qu’environ 15 ou 16 étaient erronées, en ce sens que les accusés n’étaient pas condamnables, mais non pas qu’ils fussent innocents.

Le caractère distinctif de cette nouvelle théorie de la probabilité des jugements criminels étant donc de déterminer d’abord, d’après les données de l’observation dans un très grand nombre d’affaires de même nature, la chance d’erreur du vote des juges, et celle de la culpabilité des accusés avant l’ouverture des débats, elle doit convenir à toutes les espèces nombreuses de jugements : à ceux de la police correctionnelle, de la justice militaire, de la justice en matière civile, pourvu que l’on ait, dans chaque espèce, les données suffisantes pour la détermination de ces deux éléments. Elle doit aussi s’appliquer aux jugements qui ont été rendus en très grand nombre par des tribunaux extraordinaires, pendant les temps malheureux de la révolution ; mais, à cet égard, il est nécessaire d’entrer dans quelques explications, afin qu’il ne reste aucun doute sur la généralité et l’exactitude de la théorie. La difficulté que ce cas d’exception présente