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Depuis seize siècles muette,
Ne l’ai-je pas assez pleuré ?
Depuis la nuit froide et sauvage
Où, sur mon sein, la mort ferma
Les yeux du vieillard de Selma,
J’erre de rivage en rivage.
Et, comme sur le bord glacé
Où le barde a fini sa vie,
L’ouragan du nord m’a suivie
Sous tous les cieux où j’ai passé.

Il ne m’emporta pas au palais de nuages,
L’Écossais immortel ! et l’aile des orages
Me jeta, tiède encore, à la merci des flots,
Comme elle jette aux vents le chant des matelots.
Cherchant, de plage en plage, un cœur vierge où ma corde
Versât l’harmonieux torrent qui la déborde,
J’ai visité ces mers où jamais le soleil
Ne daigna se montrer, où l’éternel sommeil
Du pôle séculaire envahit la surface,
Où la mer roule au loin ses mamelles de glace.
J’ai vu le continent que Colomb découvrit,
Et le Golgotha, teint du sang de Jésus-Christ.
Pauvre harpe, jouet de la rafale sombre,
J’ai contemplé la mer sous ses aspects sans nombre :
Et subi, tour à tour, dans de lointains climats.
Les torrides brasiers, les polaires frimas.