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L’algue, que sur la rive apportent les marées,
Offre un mol oreiller aux barques amarrées.
Tout est apaisement, fête, sérénité.
Et, bien que l’air soit froid, sur les cordes tendues
Les vestes des marins sont toutes suspendues :

On dirait une aube d’été !

Calme plat ! et pourtant le robuste pilote
D’un regard inquiet interroge la flotte ;
Et, pareil aux pêcheurs de Léopold Robert,
De tristesse et de deuil sa face semble empreinte,
Comme si l’avenir, qu’il sondait avec crainte,

À ses regards s’était ouvert.

Calme plat ! et pourtant les rocs sont blancs d’écume.
L’éclair, comme un marteau rayant la noire enclume,
A creusé sur leurs fronts plus d’un sillon récent.
La grève, de débris et de corps est jonchée,
Et du sable éclatant la blancheur est tachée

De larges étoiles de sang.

Horreur ! cet Océan est moins grand qu’hypocrite.
Sa rage, en traits de sang, sur ses bords est inscrite.
Aujourd’hui c’est le ciel, hier c’était l’enfer.
Hier, ce calme azur qui caresse la terre
Fumait comme un volcan, comme si le tonnerre

Avait incendié la mer.