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Ceux-là vivent sans crainte et mourront sans remord.
Ceux-là n’attendent pas que l’oiseau de la mort
Leur apporte le pain de vie.
Ils subissent le joug des communes douleurs,
Ils vivent au milieu de cette foule en pleurs
Que le veau d’or s’est asservie.

Leur lèvre ne fuit point le calice de fiel.
Ils ne s’évadent pas du bagne industriel
Où la fatalité les rive.
Du sceptre du travail armés de l’aube au soir,
Ils attendent que Dieu réponde à leur espoir
Et qu’ici-bas son règne arrive.

Poète, imite-les ! viens aimer, viens souffrir.
En holocauste aussi, s’il le faut, viens l’offrir.
Laisse en paix les pins et les chênes ;
Ce n’est pas à leur chant que le ciel peut s’ouvrir :
Car leur chant n’est pas même assez fort pour couvrir
Le bruit qu’à nos pieds font nos chaînes.

Laisse en paix, dans l’air bleu, les grands arbres monter
Les fleurs s’épanouir et les oiseaux chanter,
Sans les troubler de ta souffrance.
Reviens : Dieu n’est pas là. Les bois mélodieux
Sont, depuis deux mille ans, dépeuplés de leurs dieux
Comme ton cœur l’est d’espérance.