Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/133

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— Ah ! dit-elle d’une voix sourde, tu ne t’en iras plus maintenant.

Et farouche en sa joie, elle oublia le monde entier, elle oublia même cet homme terrible qui avait juré de tuer sa fille si jamais elle revenait…

Elle l’avait enlacée, elle appuyait ses lèvres arides sur le front et les yeux de la jeune fille, elle la couvrait de ses larmes.

— Ah ! ma mère, murmura Lucrèce sanglotant, me pardonnerez-vous jamais… savez-vous que je viens de Paris… à pied… mendiant mon pain… Ah ! quand j’ai senti que j’allais mourir, j’ai voulu vous revoir…

— Mourir ! mourir ! s’écria la pauvre mère affolée, toi mourir !… mais le bon Dieu ne serait plus le bon Dieu s’il permettait cela… Mourir ! mourir… répéta-t-elle en délire.

Et elle prit sa fille dans ses bras et l’emporta vers la ferme.

Mais au moment où elle allait franchir le seuil de la cour, elle s’arrêta comme épouvantée…

Et certes elle ne craignait point, en ce moment, la colère de son mari… N’était-elle pas là pour défendre sa fille, pour la couvrir de son corps ? Non, elle ne songea qu’à une chose, c’était que M. Henri était là !M. Henri était la cause des malheurs de sa fille, M. Henri dont la vue peut-être suffirait à la tuer.

Dieu donne du courage et d’héroïques inspirations aux mères ; elle reprit sa fille dans ses bras et la porta vers le bâtiment aux récoltes, là où le père Brulé avait fait faire deux belles chambres de réserve.

À côté de ces chambres, il y en avait une autre dans la-