Page:Ponson du Terrail - Le Bal des victimes.djvu/174

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Cela donna le temps à Sulpice de passer auprès de sa mère et de lui souffler à l’oreille :

— Il ne faut rien dire ce soir… il est de trop mauvaise humeur… il serait capable de la tuer…

La mère Brulé ôta son tablier de cuisine et dit à son mari :

— Vous n’avez besoin de rien, maître ?

— Non, la mère… va te coucher.

— Bonsoir, maître.

— Bonsoir, fit Brulé d’un ton bourru.

Il y avait au fond de la cuisine un escalier de bois qui conduisait à l’unique étage de la ferme.

La mère Brulé gravit les marches et disparut, laissant Sulpice avec le fermier. Sulpice allait s’en aller aussi.

— Hé ! fieu ! dit Brulé, attends un peu… j’ai deux mots à te dire.

Sulpice tressaillit. Il crut que son père avait deviné le retour de Lucrèce.

Mais le père Brulé continua d’un ton radouci :

— J’ai besoin de toi, mon gars. Faut que tu ailles à Mailly-le-Château.

— À cette heure, dit Sulpice. Voici qu’il est approchant minuit.

— Et il fait froid… il y a de la neige… et tu serais mieux dans ton lit, feignant ? fit Brulé d’un ton brutalement moqueur.

— S’il faut y aller, j’irai, dit Sulpice avec résignation.

— Certainement, il le faut… reprit Brulé. C’est demain que je paye mon fermage, et il me manque soixante écus, autrement dit cent quatre-vingts livres. Tu