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DERNIÈRES SEMAINES LITTÉRAIRES.

à une pensée, à une vérité, même à une erreur, indépendantes de notre personnalité et supérieure à nos passions.

Chose bizarre ! dans ces essais de réduction par le procédé Sainte-Beuve, exercé aux dépens de Chateaubriand, de Lamartine, de Béranger, etc., le spirituel causeur avait presque toujours raison. Eh bien, il ne lui était pas permis d’avoir raison : on l’eût estimé davantage, s’il eût persisté à s’abuser, à s’aveugler. On le punissait par où il avait péché. Lui, le merveilleux maître d’escrime, il s’était imprudemment découvert ! il s’était proclamé neutre ! Dés lors, quand il attaquait la morale de M. Saint-Marc Girardin, la religion de Chateaubriand, le patriotisme de Béranger, la poésie de Lamartine ; il était clair qu’il ne prenait pas pour point de départ une morale plus haute, une religion plus vraie, une poésie plus sincère, un patriotisme plus pur. Que dis-je ? il ne les attaquait pas, il les taquinait ; il s’amusait, pour les menus plaisirs de sa neutralité ou de son scepticisme, à prendre en faute, en contradiction avec eux-mêmes le moraliste, le poète, te patriote et le chrétien. Notons bien ce trait caractéristique, nous aurons à y revenir à propos des Nouveaux Lundis, Pour le moment, nous n’en sommes encore qu’aux premières Causeries, à celles qui ouvrirent leur feu en 1849.

En somme, et malgré ces bourrasques préventives, tout alla bien ou à peu près, tant que la liberté fut égale pour tous, tant que les partis gardèrent leurs espérances, et que l’agitation des esprits justifia les revirements et les soubresauts. Mais lorsque M. Sainte-Beuve fut porté au premier rang des vainqueurs et que sa littérature prit