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DERNIERS SAMEDIS.

Fabre et prouve son respect pour la vérité. Il n’a été, en somme, ni un déserteur, ni un renégat, ni un défroqué, ni un libéré. Certes, à en juger d’après le cri de joie qui termine le récit, au moment où sa mère vient le délivrer : « O mon journal si triste, ô mon journal désolé, éclaire-toi ! Illumine ! je suis heureux. Je viens de voir ma mère, de la serrer dans mes bras, de l’y serrer encore ! » on comprend ce qu’il a dû souffrir depuis le jour où il a revêtu la soutane jusqu’à l’heure bénie où il la quitte. Sous une plume vulgaire, ce sentiment naturel, cette reprise de possession d’une âme qui s’était trompée de voie, qui gémissait sous un joug, qui renaît à la liberté, se traduirait, sinon en invectives, du moins en traits satiriques contre ceux que le jeune séminariste, ce lévite laïcisé, appellerait ses oppresseurs. Rien de pareil. Ils sont tous excellents, aimables, irréprochables, charmants, ces prêtres qui ont entouré l’enfance et l’adolescence de Ferdinand Fabre, ont essayé de le maintenir dans l’illusion d’une vocation chimérique, et ont failli, avec les meilleures intentions, faire le malheur de sa vie ! Il respirait une atmosphère cléricale ; mais cette atmosphère était si saine et si douce ! Ce supplice intérieur nous vaut des descriptions exquises, où le presbytère nous apparaît dans sa grâce mystique à la fois et familière, où les oiseaux gazouillent, où les fleurs exhalent leurs parfums, où les mûres des buissons, les fraises des bois, les cerises, le miel des ruches, le pain bis et le lait de la ferme composent, pour le robuste appétit de la quinzième année, des festins délicieux !