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Page:Pontmartin - Derniers Samedis, 3e série, 1892.djvu/313

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DERNIERS SAMEDIS.

poète, parce que vous êtes un artiste, parce que vous êtes un écrivain. »

Et vous, cher lecteur, vous comprenez aussi, n’est-ce pas ? que lorsqu’un grand poète fait fumer sous notre nez un pareil encens, sous prétexte que notre nez est de taille à le contenir, il nous faudrait, pour ne pas le prendre au mot, plus d’esprit que ne nous en laisse notre péché mignon, la vanité littéraire.

A présent, un mot sur Lamennais, cet autre illustre Breton, plus entêté, hélas ! daus son apostasie qu’il ne le fut dans sa foi bretonne. Il est bien entendu qn’Hippolyte Lucas ne le considère pas à ce point de vue, qui est le nôtre. « C’est bien le La Mennais que j’ai connu, nous dit-il, avec sa figure ascétique et contemplative, avec les rides que le temps avait creusées sur son front, plein de soucis, et sur ses joues amaigries, empreintes d’une constante expression de souffrance… II avait bien le physique de son caractère irritable et fiévreux, pour lequel la célébrité était comme un tourment et un remords. » — Non, ce n’était pas la célébrité. Le tourment, le remords venaient de plus haut. C’était le supplice d’une grande âme déchirée du chagrin de ne plus croire, deuil de l’Église après en avoir été l’orgueil et l’espoir, qui s’était regardée comme libérée en s’affranchissant du joug de l’Évangile et du sacerdoce ; victime expiatoire du mal qu’elle a fait à autrui et à elle-même ; déserteur a qui sa délivrance était mille fois plus lourde que la servitude ; prêtre à qui l’habit noir pesait cent fois plus que la soutane.