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SOUVENIRS D'UN VIEUX CRITIQUE


rière, et, s’il était permis de comparer deux ordres d’idées bien différents, j’ajouterais que l’héroïsme des combattants de Rocroi est à celui des vainqueurs de Fontenoy ce que le génie de Corneille est à l’esprit de Voltaire. Cette futilité, qui, le 11 mai 1745, se cache encore sous les lauriers, ira se développant ou s’aiguisant de plus en plus, jusqu’à ce que cette noblesse frivole et coupable, se trouvant en face de périls d’un nouveau genre, ne sache plus faire de sa bravoure d’autre usage que ce qu’il faut pour sourire et mourir.

Je ne puis résister à l’envie de vous dédommager de ma prose en citant une demi-page où on ne sait ce qu’on doit admirer le plus : éloquence d’un grand cœur, patriotisme incomparable, émotion pénétrante, résignation mélancolique aux transformation des sociétés nouvelles : — « A côté du roi, comme le rejeton d’un chêne, l’héritier de cette royauté séculaire, portant dans ses regards d’une pureté presque enfantine un feu qui était le sang même de saint louis et d’Henri IV ; autour d’eux, tous les fils des anciens preux, dignes de leurs aïeux ; la magie des souvenirs, toutes les traditions rajeunies de la vaillance et de la gloire ; l’élan unanime de tous les cœurs, ce cri national de « Vive le roi ! » répété par des milliers de voix enthousiastes. Que manquerait-il à ces moments d'ivresse ? Et cependant celui qui doit les dépeindre se sent envahi tout à coup par une secrète et invincible tristesse. C'est qu’il voit dans le lointain le sinistre dénouement qui se prépare. Laissez passer un