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SOUVENIRS D’UN VIEUX CRITIQUE

qu’il découvrirait Sbrigani et Scapin, mais sous des habits brodés, officiels, en grande tenue de préfets, de sénateurs, de députés, de ministres, aussi serviles et aussi insolents que des valets, aussi impérieux et aussi despotes que des maîtres. Don Juan, contempteur superbe de Dieu et des hommes, des lois divines et humaines, s’offrirait à ses yeux, non pas sous l’aspect d’un beau gentilhomme, grand d’Espagne, adoré de toutes les femmes, lançant un défi intrépide à la statue du commandeur, mais sous une écharpe administrative, laid, louche, borgne, sournois, pourri, charlatan d’athéisme au rabais, crochetant une serrure, décrochant un crucifix, espionnant une sacristie, guerroyant, aux sons de la Marseillaise, contre des religieuses, des moines et des prêtres. On lui apprendrait que l’École des Femmes a changé de sens, qu’il ne s’agit plus d’un Arnolphe berné par une ingénue, mais de l’éducation chrétienne remplacée par l’école laïque, et du progrès éminemment républicain, démocratique et social, d’après lequel Agnès laïcisée deviendra un dragon de vertu et cessera de s’attendrir sur la mort du petit chat. S’il s’informait de M. Jourdain, on lui répondrait que M. Jourdain ne vise plus à la noblesse, ne flatte plus les marquis et les marquises, ne s’inquiète plus de ses parchemins et de ses armoiries ; qu’il flagorne les nouvelles couches, affecte les allures populaires, et serait au comble de ses vœux si le suffrage universel des paysans et des ouvriers le reconnaissait comme un des siens. Enfin, si le pauvre grand homme, se souvenant des sœurs de charité qui vinrent