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SOUVENIRS D’UN VIEUX CRITIQUE

Soutenue par le Roi et par le Dauphin, l’opinion de M. de Villèle prévalut, et c’est ainsi qu’un autre ministre de la guerre eut, trois ans plus tard, les honneurs de cette expédition d’Alger, qui était sortie tout armée du cerveau de M. de Clermont-Tonnerre ; Cette glorieuse conquête, qui, en 1830, ne fut pas de force à faire rentrer sous terre les pavés des barricades, aurait-elle été plus efficace en 1827 ? On peut le croire. Malgré l’impopularité du ministère Villèle, rien n’est comparable au mouvement de l’opinion parisienne pendant cette fatale année 1830. C’était une maladie chronique, passant tout à coup à l’ëtat suraigu. La bourgeoisie libérale dissimulait à peine ses espérances. Chaque jour amenait un incident, un article de journal, une caricature, un procès, une calomnie, une épigramme, une injure, qui faisait le tour des salons avant de descendre dans la rue. M. Thiers préludait aux patriotiques prouesses de sa longue vie en se faisant le moniteur des susceptibilités britanniques et en cherchant dans la Charte un lacet qui, se resserrant peu à peu, devait finir par étrangler la monarchie. Le pavé brûlait avant d’être chauffé par les Ordonnances. Les flèches empoisonnées de l’opposition visaient le roi par-dessus les ministres. Ce qui s’était aggravé le matin s’envenimait le soir. On en était arrivé à ce point de violence et de fureur, que le patriotisme libéral semblait également décidé à faire des vœux pour une défaite et à ne pas se laisser désarmer par une victoire. En 1827, tout se bornait encore aux escarmouches et aux présages.