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étreint et refoule bientôt l’ennemi. Un coup de main lui conquiert à jamais le Saumurois (1835) et son fils, Geoffroy Martel, maître déjà du comté de Vendôme (1031) et de la Saintonge (1037), se trouve par la victoire de St-Martin-le-Beau (1044) seigneur de la Touraine, sous le simple hommage du comte de Blois. « Le royaume[1], — la monarchie d’Anjou, » comme l’appellent les contemporains, un instant se divise en passant dans la famille des vicomtes d’Orléans ou du Gâtinais, aux deux petits-fils de Foulques, mais se retrouve entièrement bientôt aux mains de Foulques Réchin, qui laisse s’en détacher le Gâtinais et la Saintonge pour reporter toutes ses visées vers le Maine. Son fils en épouse l’héritière et dès 1110 ajoute ce puissant comté à ses comtés d’Anjou et de Touraine, qu’il devait délaisser pour aller ceindre la couronne des rois de Jérusalem. — Une autre dynastie naissait à ce moment sur la terre d’Anjou, qui bientôt, avec le second Plantagenet, Henri II, allait réunir sous Réunion au domaine de France. un même sceptre, — outre le triple comté, — l’Angleterre, la Normandie, l’Aquitaine, la moitié de la France future, — jusqu’au jour où le débat de la succession contestée entre les droits de Jean-Sans-Terre et d’Arthur, de l’oncle et du neveu, tranché par un crime, s’agrandit en s’envenimant d’une félonie. Le refus de l’hommage dû par le vassal à son suzerain met aux prises les deux rois de France et d’Angleterre, et Philippe-Auguste vainqueur confisque au profit de son domaine la Touraine, la Normandie, le Maine et l’Anjou (1204).

Toute une organisation de société nouvelle s’est fondée pendant ces luttes et fonctionne en pleine vie, au sortir d’âges confus, qu’à peine quelques lueurs éclairent. Pendant dix siècles tout manque ou peu s’en faut. En dehors de Grégoire de ToursEtat politique — VIIIe-XIIe siècle, qui sait beaucoup mais qui ne se livre guère et que ses continuateurs allongent parfois sans le comprendre, on en est réduit à glaner dans les notes de quelques scribes de monastères une date, une indication incertaine, et dans de rares chartes un trait, un renseignement que les inductions s’efforcent de relier. — Sur le pays même, sur son organisation, modifiée évidemment par le courant de tant d’épreuves, j’estime qu’il faut savoir ignorer et se satisfaire de peu, sans emprunts commodes de science étrangère, quand il est besoin surtout de faits précis et localisés. Le mot même qui désigne le comté, le pagus, a pris avec le temps un sens indéterminé et s’applique tantôt, comme aux premiers siècles, à l’ensemble de tout l’Anjou[2], tantôt à des cantons secondaires d’un rayon assurément mal défini, qu’il serait difficile de préciser, à l’aide d’aucune raison de topographie ou d’histoire. Les indications d’ailleurs en sont rares et les noms de Chênehutte, Daumeray, Durtal, Brissac, Morannes, Rochefort[3] sont les seuls que j’aie rencontrés, même en poussant jusqu’au XIIe siècle, pour ces subdivisions inférieures. On peut à cette époque y ajouter les « territoires[4] » de Chavais, de Doué, de Vihiers, et, si l’on aborde

  1. Cum regni sui optimatibus 1036. Cartul. de St-Maur, ch. 33. — Andegaviœ monarchia. De commend. Turon. pro., dans Salmon, Chron. Tour., p. 292. C’est aussi l’expression qu’emploie le moine Jean, dès le début de sa Vie de Geoffroy Plantagenet.
  2. Pagus civitatis Andegav. 1055. Chalonnes, ch. or. — In pago Andecavensi, in comitatu quoque ejusdem pagi 1060. Liv. N., p. 189. — In pago Morennensi scilicet Andecavensi 1050 circa. Daumeray, ch. or.
  3. Je ne répète pas ici les textes, qu’on trouvera à chaque article. Pour celui de Brissac, qui est une restitution tardive, V. t. II, p. 423-424. Pour Rochefort, c’est, je crois, le Commonicus pagus, qui a laissé son nom aux vill. et aux cantons de Chaume et Quarts-de-Chaume.
  4. Cette dénomination a pris la valeur exacte, à cette date, du pagus dans ses deux sens, général ou restreint.