Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/111

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La jeune fille se sentit délicieusement émue par le contact de la main du jeune homme ; elle ria nerveusement, pour la forme, de l’innocent manège, puis, tranquillement, montrant sa gerbe à l’instituteur :

« Et puis ?… il y a là encore beaucoup d’autres fleurs…

— Oui, en effet, je vois de la moutarde sauvage, de la bardanette, du grand plantain, des marguerites, de la petite bardane, une branche de moutarde tanaisie verte, un brin de fausse giroflée et même quelques cheveux de la perruque du diable. Mais je vous fatigue, sans doute : aussi, nous reprendrons plus tard, si vous le voulez, notre cours de botanique. Je venais, ce soir, m’informer de votre santé, et je vous trouve debout, Blanche, donc en pleine guérison… Je suis donc le plus heureux des hommes…

— Mais non le moins soucieux… observa la jeune fille. Vous avez quelques chose, Paul ?

— Moi ?

— Ne niez pas…»

Il y eut un instant de silence. L’engoulevent de tout à l’heure reparut et exécuta trois ou quatre demi cercles vertigineux autour du parterre et disparut de nouveau, cette fois, dans le bleu sombre du fleuve.

Ce fut comme le signal de la nuit. La brise fraîchit tout à coup ; un grand brouillard d’ombres grises s’étendit sur le fleuve et l’on vit le grand œil rouge du phare de l’Îlet-aux-Morts se promener sur l’eau. L’instituteur tressaillit. Il se souvint qu’un soir, sous les étoiles, aux Bergeronnes, comme il était avec