Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/152

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monde ; le navire n’est pas accosté que déjà, malgré les défenses, hommes et femmes se faufilent à la rencontre des arrivants pour embrasser, une minute plus tôt, un parent, un ami… Le grondement de la vapeur, désormais inutile, le grincement des poulies, les courses désordonnées des passagers et des employés, la révolte des gens pressés contre les formalités de l’arrivée, bref ! tout le brouhaha que peut produire la venue de douze ou quinze cents personnes, appartenant à toutes les classes de la société et même à toutes les races, encombrées de tous les paquets imaginables, cet ensemble, à la fois comique, touchant et exaspérant… amusait le désœuvré volontaire.

Un navire n’était pas sitôt déchargé que Paul Duval en voyait d’autres s’approcher à vitesse réduite, les pavillons au vent, répondant aux signaux des sémaphores. Partout, autour de lui, l’eau était grise, comme vaseuse et, tout le jour, au-dessus du port, il voyait des goélands voleter, comme apprivoisés…

Certains jours, il poussa ses promenades jusque dans les lointaines banlieues ; il parcourut des chemins bordés de jardinets, de clôtures de pierre et de murs enfouis sous des touffes qui débordaient et qui étaient jaunies par l’automne. Les jeunes arbres étaient déjà nus comme des perches. Des champs s’étendaient, clairs et frais.

Paul Duval, ici, semblait se trouver comme chez lui et il était certain qu’il foulait un sol qu’il avait déjà connu. Il en ressentait une impression profonde et il s’emplissait les yeux et l’esprit du paysage.