Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/159

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au seuil de sa vieillesse, de la voir entrer en ménage, comme tant d’autres jeunes filles de la paroisse qu’il voyait aujourd’hui joyeuses fermières et braves mères de famille.

Et Jean Thérien se sent malheureux ; de grosses larmes roulèrent bientôt sur ses joues rugueuses ainsi que le soir doré de printemps où l’épouse trépassa.

Jeanne survint. Alerte, elle parcourut la cuisine, rangeant les meubles, attisant le feu, puis, elle s’en alla s’asseoir près de la fenêtre où elle se mit à égrener son chapelet. Mais elle s’arrêta bientôt :

« Père, il fait beau ; si nous allions à l’église prier pour les trépassés ?

— Mais oui, petite, et ça nous dégourdira

Ils sortirent. Un soleil d’arrière automne égayait un brouillard blanc, volatil, mélancolique, qui s’étendait sur les plaines de terre brune, et entourait plus densément le tronc de quelques grands arbres qui dressaient, au milieu des champs, leur sombre squelette dans le ciel clair rayé de vols de corbeaux. La route est déjà gelée et fait du bruit sous les talons. Tout semble maintenant à l’abandon dans les pauvres champs où l’on ne voit que détritus végétaux secs, feuilles fanées, rougies, imprégnées d’eau, salies de terre. Entre les fossés et les clôtures du chemin, des arbustes dépouillés de leurs feuilles ne semblent plus que des fagots de branches sèches que l’on aurait déposés là, debout, sur le vert très pâle de l’herbage tondu par les vaches et les veaux qu’à l’automne les culti-