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IV


Tout monotone qu’il soit, le chant des grenouilles n’est pas désagréable.

Il ajoute à la profonde mélancolie des soirs à la campagne ; il en complète la tranquillité et fait espérer dans le beau temps du lendemain… Il y a des coassements timides, des sortes de ricanements vite étouffés dans les glouglous, des cris rauques et plaintifs, roulés ou coupés selon le rythme de la musique américaine, ou prolongés, et, peu à peu, à mesure que s’avance la nuit, la cacophonie de la brunante s’harmonise en longues salves sonores. Et, dans l’ombre, les reflets mordorés des étangs et des marais semblent le nickel de vastes boîtes à musique détraquées… puis il y a tout à coup comme un point d’orgue qui marque le lever de la pleine lune derrière les montagnes, et l’on entend une seule note comme parlée à voix basse, vite articulée ; ou bien, l’on dirait, sous nos pas, comme un ramage, une bordure délicate. Est-ce loin, est-ce proche ? On ne sait. C’est un prélude car, comme sous le coup de baguette d’un chef d’orchestre invisible, le concert reprend de plus bel, dans la nuit, lent, cadencé, comme un chant de litanies…

Paul Duval filait droit devant lui, dans la mélancolie de ce beau soir, l’oreille remplie de la musique