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XI


Le village est encore plein d’ombres grises mais les toits sont déjà roses et frappés de soleil. Quelques fenêtres sont entr’ouvertes et l’on entend à l’intérieur des maisons des bruits d’ustensiles de cuisine… On a envie de dérober une fleur dans les gros pots qui sont groupés sur les vérandas et que l’on a placés là pour la nuit.

L’étoile du matin lutte encore au ciel violet contre les ondes laiteuses de l’aurore…

La petite chapelle des sauvages se détache en gris sur le fond bleu et vert du fleuve et de la rive ; tout-à-coup, de son minuscule clocher s’échappe une sonnaille d’argent ; on dirait la petite voix de bronze enrouée par une année de silence dans la froidure et sous les vents du large… Alors, on désirerait avoir des ailes pour jouir de plus d’allégresse encore. De chaque côté du village, des ravins s’étendent tapissés de feuillage, des coteaux chevelus moutonnent ; des toits invisibles, en arrière, fument au-dessus des arbres. Sur le fleuve, le ciel s’élargit. Tout est pureté, sur l’eau, sur la terre et au ciel. On sent sincèrement que l’on foule un sol millénaire et la petite cloche de bronze, qui continue de carillonner dans ce grand matin d’août, a des sonorités si divines que l’on oublie le monde…