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la baie

un maringouin qui le piquait et d’autres fois, il pouvait assassiner un homme qui le regardait un peu de travers. Des fois, c’était un agneau et d’autres fois, une bête sauvage, un ours, un loup. Il éclatait comme le tonnerre souvent au moment où on s’y attendait le moins et alors c’était terrible. Sous le moindre prétexte, certains soirs, il refusait à des hommes leurs gages et, le lendemain, s’il eut rencontré l’un d’eux, il lui aurait vidé sa bourse dans ses poches sans lui dire pourquoi. Il ne craignait rien, ni Dieu, ni diable, ni le tonnerre. Il tenait tête au missionnaire et pleurait devant une vieille femme qui lui demandait la charité pour l’amour du Bon Dieu. Il aurait pu brûler à petit feu un homme qui l’eut chicané ou qu’il eut vu maltraiter un faible. C’était, comme vous voyez, un curieux phénomène.

Le capitaine nous conta qu’un jour cependant Peter McLood se fit donner par un de ses hommes, un canadien-français qu’il avait lâchement insulté et qui n’avait pas froid aux yeux, je vous assure, une raclée des mieux conditionnées. Le lendemain, il fit venir son maître à son bureau et il lui dit : « Tiens, voici deux cents piastres ; prends-les mais vas t’en d’ici. Tu ne peux pas rester plus longtemps avec moi car il ne faut pas que personne puisse battre Peter McLood ».

— Je m’en irai pas, répondit le Canadien. Je ne quitterai jamais Peter McLood.

Peter garda l’homme et l’homme garda les deux cents piastres.

Et que d’autres choses encore, nous racontait le capitaine de la goélette. Ainsi, jamais un homme ne fut ni ne sera plus adroit et plus souple que Peter McLood. Vous me croirez ou vous me croirez pas, mais il sautait d’en haut d’un arbre dans un canot d’écorce sans faire balancer le moindrement ce dernier. Quand il était de bonne humeur, il aimait ces sortes d’exploits.