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la baie

qui possédait tout le territoire du nord, c’est-à-dire des milliers et des milliers de lieues en forêts de toutes sortes qu’elle exploitait au point de vue de la chasse et de la coupe du bois de construction, faisait tous ses efforts pour empêcher le défrichement de la terre et défendait la culture sous des peines sévères. On lui joua tout de même un bon tour, à la Compagnie de la Baie d’Hudson.

Un jour, en 1837, un gros cultivateur de la Malbaie, Alexis Tremblay qu’on surnommait le Picoté, arrivant d’un voyage d’exploration qu’il avait fait dans les montagnes saguenayennes, proposa à quelques-uns de ses voisins et amis de former une société qui compterait vingt-et-un actionnaires qui iraient fonder un établissement à la Baie des Ha ! Ha ! en haut du Saguenay. Le groupe qu’on appela la « Société des Vingt-et-un » fut fondé en un clin d’œil et le capital souscrit de même, soit 400,00 $ par action. Ceux qui avaient des terres en Charlevoix les vendirent et la Société acheta une goélette et tout ce qui était nécessaire pendant un an au moins pour les débuts d’un établissement de ce genre. Mon père était l’un des membres de cette Société ; il vendit 600,00 $ la terre qu’il cultivait à la Malbaie dans le rang de la Déchirure.

Il fallait, vrai, un courage peu ordinaire à ces habitants aisés pour quitter ainsi leur vieille paroisse natale où tous vivaient bien et s’en aller ainsi au fond du bois, à soixante lieues de toute civilisation, sans savoir si leur entreprise allait réussir ou non.

Les associés firent d’abord avec la Compagnie de la Baie d’Hudson un contrat par lequel ils s’engageaient à couper, chaque année, un certain nombre de mille pieds de bois de pin pour les moulins Price de Chicoutimi qui étaient à trois lieues de la Baie ; mais ils évitèrent de faire entrer dans ce contrat aucune clause qui leur défendait le défrichement du sol au point de vue de la culture.