Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
LA RIVIÈRE-À-MARS

son. Il est jamais assez tard pour finir. Un vrai démon au travail, que je te dis !

Les deux hommes s’étaient accotés à une clôture de pieux de cèdre longeant le champ où paissaient le troupeau de laitières de Jean-Baptiste Caron. De là, ils embrassaient du regard toutes les terres de Saint-Alexis et une partie de celles de Saint-Alphonse. Sur les collines des alentours, ils distinguaient les dentelles des futaies et des taillis qui se profilaient sur l’azur imbibé en ce moment d’une clarté douce. Tableau d’une infime variété de lignes et de couleurs. Les terres, comme fatiguées, semblaient sommeiller paisiblement dans la tiédeur de ce jour blond.

Ils fumaient méthodiquement. Les paroles ne se précipitent pas drues sur les lèvres des paysans placides, qui méditent, qui ne disent que ce qu’ils veulent dire, qui regardent plutôt, qui observent et qui pensent.

Après quelques minutes de silence, Alexis Picoté, rallumant sa pipe, se lamenta :

— T’as de la chance, toi, Jean-Baptiste. On peut dire que t’as de la chance.

Et il regardait, à la lisière des taillis du tré-