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LA RIVIÈRE-À-MARS

là, séparés souvent, ils n’avaient pas le temps de se dire deux mots de suite. Chacun allait de son côté.

Pierre était parti après le souper, tiré à quatre épingles, étrennant des bottines et une cravate neuves, pour aller à une veillée de jeunes à Saint-Alphonse. Il faisait beau. Une brise fraîche passait dans la paix du soir. L’infinie douceur de la campagne se baignait, avant de s’endormir, dans les rayons d’or de la lune qui faisait briller la baie à mesure qu’elle montait au-dessus du Cap-à-l’Est. À certains moments, on entendait, dans le silence du parterre, près d’une touffe de « vieux garçon », un criquet battre ses pattes comme une bombarde. C’était l’accompagnement au bruit métallique des broches d’Élisabeth qui tricotait une paire de bas. Mais bientôt, plus loin, près de la rivière, les grenouilles et les ouaouarons firent un grand concert. Il y en avait bien quatre ou cinq ; mais on eût dit qu’ils étaient des millions.

— C’est comme ça, ces bêtes-là, fit Alexis, s’adressant à sa femme. On dirait le diable et c’est rien. Un soir de l’été dernier que j’avais labouré tard dans ma pièce du gros cèdre où il y a une