Page:Potvin - La Rivière-à-Mars, 1934.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
LA RIVIÈRE-À-MARS

Onésime ! J’ai vu dans ces yeux-là toute l’histoire de ma terre et je me suis quasiment mis à pleurer. T’as entendu dire que c’était une terre passablement dure à faire : du bois partout, des souches, des cailloux, des tales d’aulnes d’un bout à l’autre. Il a fallu tout arracher ça, égoutter ça, labourer ça, herser ça, semer ça. Quand j’ai vendu ma terre, tu le sais, tout était fait à partir du chemin jusqu’au trécarré. Ce qu’il y a de travail, là-dedans ! Et c’est avec le Blond que j’ai fait quasiment tout ça. L’été, il m’aidait à essoucher, à labourer, à herser, à faire les foins et la récolte ; l’hiver, à charrier du bois pour la maison, ou bien à faire chantier au lac Gravel ou au Lac Ha ! Ha ! C’est avec le Blond que mon Pierre a fait sa jeunesse. Des soirs, après une grosse journée, il l’attelait pour aller veiller à Saint-Alphonse. Elle a travaillé, la pauvre bête, pendant vingt ans, on peut pas le dire assez ! Toutes les pièces de terre que tu vois là-bas, c’est le Blond qu’a fait ça ; la maison, la grange, l’étable, c’est le Blond qu’en a charrié tout le bois. Le grand champ de blé que t’as vu, le long de la route, c’est le Blond qu’a essouché ça pendant quasiment trois ans de suite. Je l’attelais après le