Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
LE FRANÇAIS

qui semblait s’être rapprochée et dont on distinguait encore la masse immobile et ténébreuse. Toute une vie menue palpitait dans les champs, au fond de l’ombre. Dans les branches paresseuses des saules du jardin, l’on babillait encore surtout quand un léger coup de brise agitait les frondaisons ; l’on entendait secouer de petites ailes engourdies et, en levant la tête, l’on pouvait apercevoir, sur des branches, de minuscules boules alignées en brochettes. Pas une branches, qui n’eut un oiseau perché. Les arbres proches, saules grêles et noueux, érables trapus, semblaient avoir grandi tout à coup ; étincelant, le jour, dans leur verdure, ils étaient tristes à cette heure. Les fleurs du parterre, brillant d’abord comme autant de petites lumières colorées, s’éteignaient bientôt une à une. Toutes, géraniums et anémones, belles-du-jour et marguerites, avaient refermé les folioles éclatantes de leur corolle. Dans le chaume d’à côté, l’on percevait le trot menu des mulots et des musaraignes à travers les herbes sèches qui bruisaient… Est-ce loin, est-ce proche ?… on ne sait, mais cela doit venir du ruisseau qui a donné son nom à la prairie, scène de la dernière corvée des foins ; l’on entend une note monotone, plaintive, comme parlée à demi voix, vite articulée, suivie d’un ramage étouffé, une bordure délicate de glous-glous. C’est un crapaud d’eau qui, sans doute, chante le souvenir des concerts cacophoniques des hordes batraciennes qu’exécutaient, les soirs de pleine lune de mai, ses frères dont il survit en cette saison tardive, et aussi ses sœurs les grenouilles, et les gros wawarons,