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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/131

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LE FRANÇAIS

seiller de tous et l’on vient en toute occasion, le consulter ; on l’écoute. L’on suit avec attention l’expression de ses yeux bleus. Son regard est intéressé ou distrait selon que la bienveillance y trouve le mieux son compte. L’attitude de toute sa personne est obligeante et il y a chez lui de l’élégance naturelle. L’on sait qu’il n’est pas ravagé d’ambition ni empesé d’orgueil. Il n’a vécu et ne vit encore que pour la terre qu’il aime passionnément. Il sait confusément, de routine, cette quantité de petits faits qui sont la science et le charme des campagnes et il a, pour profiter des enseignements de la nature, toutes les aptitudes désirables ; une santé robuste malgré tant d’années d’usure violente, des yeux de paysan, c’est-à-dire des yeux parfaits, une oreille exercée aux moindres bruits comme celle des indiens, des jambes infatigables, et, avec cela, le profond amour des choses qui se passent en plein air, le souci de ce qu’on observe, de ce qu’on voit, de ce qu’on écoute…

Quand il n’y avait que la forêt au Témiscamingue, les sauvages, qui étaient les seuls habitants du pays, avaient appelé le Frère Moffet, Mayakisis, c’est-à-dire : « l’homme qui se lève avec le soleil » ; et ce surnom disait l’activité et la vaillance du Frère Moffet.

Comme les humbles, Mayakisis n’est pas expansif ; il ne parle que quand il le faut. Aussi, c’est par un tour de force d’interrogations dont on peut difficilement concevoir toutes les subtilités que, ce jour-là, sur le pont de l’« Outaouais », ses interlocuteurs et, en particulier, Jean-Baptiste Morel et André Duval ont réussi