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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/137

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LE FRANÇAIS

Pointe-de-la-Mission… Puis, nous attelâmes la Rouge à la charrue à rouelles et labourâmes le sol noir et plein de charbonnailles ; enfin, un midi, par un beau soleil, je jetai dans ma terre neuve trois minots de beau blé, tout ce qui nous restait à la mission…

« Ça s’étend !… C’est terrible !… C’est un gros feu, effrayant ! » cria soudain quelqu’un qui, à l’avant du bateau, n’avait pas cessé d’observer la fumée qui montait au nord-est.

Les passagers portèrent de nouveau leurs regards en avant, pleins d’inquiétude :

« Bonguienne !… » fit Jean-Baptiste Morel, « on dirait, ma foi, que c’est tout proche de Ville-Marie ! »

— Non, c’est plutôt, je crois, à Lorrainville, répondit le marchand de Guignes.

— Et le bois qu’est si sec ! fit remarquer André Duval… Pensez donc qu’il n’a pas mouillé depuis presque trois semaines.

— Vous m’parlez d’une jeune fumée !… s’exclama, d’un air plutôt amusé, le garçon au « sweater » rouge.

« Tout de même », fit le Frère Moffet, qui observait attentivement l’horizon, « la fumée de mes premiers abatis à Ville-Marie me réjouissait plus que celle-là qui ne me dit rien de bon… Vrai, c’est inquiétant, avec cette sécheresse, et c’est à Ville-Marie, vous savez !… »

Le capitaine de l’« Outaouais » alla donner l’ordre à l’homme des machines d’accélérer la marche du bateau, et chacun, tout en continuant d’observer la fumée,