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LE FRANÇAIS

à demi rempli de saumure de salpêtre. Il avait gardé plusieurs morceaux frais que le plus jeune de ses garçons était allé distribuer aux voisins et aux notabilités du village…

Ensuite les filles s’étaient mises à nettoyer la maison et tous les membres de la famille avaient revêtu leurs plus fins habits des dimanches. Pendant ce temps, madame Gagnon avait fait les préparatifs de la « tire » pour la soirée. Elle avait versé dans une grande chassepinte un gallon de mêlasse mélangée d’un peu d’eau et avait haché, très fin dedans, un gros pain de sucre d’érable mêlé de cassonade brune à grains aussi gros que le sable des parties hautes des grèves du lac ; elle avait versé encore dans un vaste chaudron une pleine bolée d’amandes de noisettes ramassées, au mois d’août, par les enfants, dans les coulées de Fabre. Elle ne devait mettre le tout sur le feu ardent qu’au début de la veillée afin de permettre aux jeunesses d’étirer la tire, occasion de joies sans limites et même de licences permises seulement en cette occasion. En effet, un jeune homme et une jeune fille, étirant le même morceau de tire, pouvaient, quand tous deux se rapprochaient pour relier les deux extrémités du cordon doré, s’embrasser rapidement, ce qui faisait éclater les cris et les rires de ceux qui avaient eu le temps de les voir. Quand la tire est devenue bien souple, spongieuse et bien dorée, l’on coupe avec des ciseaux ce cordon d’ambre, long de plusieurs pieds, en croquettes grosses comme des pruneaux et qui sont soigneusement rangées dans des assiettes que l’on dépose, de-