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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/259

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LE FRANÇAIS

les filles dans les rangs. Des soirs, après une grosse journée de battage ou de charroyage de bois, il fallait encore atteler Bob pour aller voir la blonde… Camille s’rappelle ben d’ça, allez…

C’est avec Bob qu’les enfants ont fait leur jeunesse. Y en a deux qui sont mariés, asteur, et c’est avec lui qu’on a été faire baptiser les premiers de Camille. Ah ! c’qu’elle a travaillé, la pauv’bête, pendant vingt-cinq ans, on peut pas l’dire. Toutes ces pièces de terre qu’vous voyez, c’est Bob qu’a fait ça ; la maison, la grange, l’étable, c’est Bob qu’en a charrié le bois ; c’est lui qu’a marié mes deux garçons qu’ont, asteur, des grands enfants, comme vous voyez ; c’grand champ d’blé qu’vous avez vu l’long d’là route, c’est Bob qu’a essouché ça pendant quasiment trois ans d’suite. J’l’attelais au grappin aux souches à cinq heures du matin et je l’dételais à huit heures du soir, quand on voyait plus rien ; et tire don, mon Bob, tire don, pendant toute la sainte journée. Faut dire aussi, qu’j’en avais ben soin, allez, et que j’lui ai jamais donné un coup de fouet mal à propos. Des fois, j’ai vu qu’y avait plus d’avoine dans la grange, pour lui donner le soir, après sa journée. Eh bien ! j’vous mens pas, j’en avais tellement pitié, qu’j’allais lui porter des tranches d’mon pain qu’j’gardais pour lui, au souper. Avec un bon bottillon de foin, ça lui faisait passer la nuit, et il était bon pour recommencer l’lendemam matin. Ah ! quand même, les enfants, c’qu’ça été dur, allez, vous pouvez pas l’savoir, vous autres…