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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/261

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LE FRANÇAIS

silence se fit dans toute la pièce et l’on répéta, de partout : « Une chanson, Jacques !… » Jacques Duval n’avait pas coutume de se faire prier longtemps ; avec toute la désinvolture de l’homme sûr de lui-même, il s’approcha de l’harmonium, fredonna, à demi-voix, un air à la musicienne qui tentait, à mesure, des accords sur l’instrument, et chanta de sa pleine voix :

Les habitants de Boucherville
Se sont fait faire un bâtiment ;
La voile du bâtiment,
C’est une vieille veste de bouracan !

La voile du bâtiment,
C’est une vieille veste de bouracan !
Les mâts du bâtiment,
Ce sont trois cotons d’arb’St-Jean !

Les mâts du bâtiment,
Ce sont trois cotons d’arb’St-Jean ;
Les mousses du bâtiment,
Ce sont des veaux à poil tout blanc !

Les mousses du bâtiment,
Ce sont des veaux à poil tout blanc ;
Le capitaine du bâtiment,
C’est un vieuf bœuf à front tout blanc.

Il y en avait, comme cela, au moins quinze couplets. L’on applaudit à tout rompre. Quelques instants après, madame Gagnon apparut à la porte de la grand’salle, portant un plateau chargé de verres pour « mouiller ça ». Les verres étaient remplis à plein bord d’un vin de bleuets de sa composition et auquel elle attribua une force et un fumet peu communs, puisqu’il datait de plus de quatre ans. La joie fut à son comble.