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LE FRANÇAIS

mais ce sont celles-là qui réclament avec le plus d’énergie sa réponse.

Marguerite Morel crispe comme avec une sorte de fureur ses mains sur sa figure afin de ne pas laisser voir une seule des larmes qui noient ses yeux et inondent sa figure, larmes de colère devant la méchanceté de ses amies, qu’elle a devinée, larmes d’angoisse en face de la réponse qu’elle doit faire, comme cela, en public, subitement, quand elle aurait voulu choisir son jour pour dire son choix ; quand elle sent qu’en face des derniers événements, son cœur en toute vérité ne lui a pas encore définitivement dicté sa réponse ; quand elle hésite encore, quand elle a résolu d’attendre, de réfléchir, n’étant pas encore, à certains moments, fermement, en toute conscience, convaincue de la trahison de Jacques Duval… son sauveur du petit lac Laperrière…

« Son cavalier !… » Il fallait nommer l’un ou l’autre. Et c’était un verdict. Sa gorge, étranglée par le tumulte de son cœur qui n’osait s’ouvrir, restait sans parole. Nommer Jacques Duval, c’était condamner Léon Lambert ; c’était mentir à la parole qu’elle lui avait donnée, un soir, sous les étoiles naissantes, dans le potager de la maison ; c’était meurtrir un cœur dont elle aurait, un instant, abusé. Nommer Léon Lambert, c’était prématurément chasser, lui semblait-il, du cœur de Jacques Duval, toute espérance ; le forcer de déserter la terre irrévocablement, quand il y avait peut-être encore un moyen de l’y attacher ; c’était désespérer son père qui gardait toujours au fond du cœur le désir