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LE FRANÇAIS

À la toute fine pointe de l’aube, les étoiles clignotant encore au ciel, ils se remirent en marche, gagnèrent le lac et franchirent sans trop de difficultés la montagne toujours dangereuse des « bordillons » des bords. Peu après, leurs raquettes, sous les pas rapides et allongés, crissèrent sur la neige molle et épaisse qui recouvrait la glace. Le temps était assez doux. À son heure ordinaire, vers cinq heures, le soleil se montra au bout du lac mais juste le temps de jeter quelques poignées de pierreries sur la plaine glacée et dans le bois des rivages. Il disparut derrière un nuage qui grandissait, grandissait dans la plaine de l’air et qui n’en finissait plus. Vers midi, l’air fraîchit et le ciel s’assombrit, le nuage de tout à l’heure le couvrant à présent presque en entier. Une première rafale traversa le lac soulevant un voile blanc qui retomba aussitôt dans un calme subit ; une seconde draperie s’éleva qui resta plus longtemps dans l’air. Le vent venait, par bouffées, du fin nord, glacé, cinglant… Et les rafales se mirent à se succéder sans interruption tendant de plus en plus haute et immobile la draperie qui barrait tout l’horizon. Tous les symptômes, quoi ! tous les avant-coureurs de la terrible tempête de neige, de la cinglante « poudrerie » !…

Oh ! alors, ce ne fut pas drôle, non, pas du tout ! L’air s’affola sous le froid du vent glacial qui, en passant, aiguisant ses dents sur les aiguilles de glace des « bordillons », se mit à mordre jusqu’à écorcher la peau sous les épais vêtements de laine doublés de fourrure. Le vent allait sans cesse en augmentant ; il sifflait, puis,