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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/313

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LE FRANÇAIS

cœur soulevé, passant et repassant la navette à travers les fils entremêlés de la chaîne. Elle battait cette dernière à coups précipités et rudes du battant, dont la lumière faisait miroiter le peigne jaune de laiton. Et jusqu’au soir, très tard, l’on entendit, dans la grand’salle, un bruit monotone, énervant à la fin, à force d’être sans cesse répété ; c’était, comme deux bois que l’on aurait frappés l’un contre l’autre, puis un déclenchement mou suivait détachant, tantôt des notes criardes, tantôt des notes sourdes, comme enrouées. Il en devait être ainsi pendant tout le carême, tant que les vingt-cinq aunes ne seraient pas enroulées sur leur cylindre.

C’était ce bruit monotone que, le soir du Mercredi des Cendres, avait entendu, avant d’entrer, le fermier amateur, M. Larivé qui, vers huit heures, avait frappé à la porte de la maison de Jean-Baptiste Morel. Ce dernier fumait alors sa pipe près du poêle qui grondait sous les flammes crépitantes d’une énorme bûche de bouleau qu’il venait d’y introduire. Près de la table, Léon Lambert, sous la lumière pâlotte de la lampe à pétrole, lisait un vieux journal pendant que Marguerite cognait du battant de son métier.

« Ah ! mais, on travaille tard, par ici !! » s’écria M. Larivé en ouvrant la porte et frappant rudement ses pieds sur le seuil pour les débarrasser de la neige « boulante » qui s’était attachée.

« Bonjour, M. Larivé ! » s’exclama cordialement Jean-Baptiste Morel qui s’avança à la rencontre du visiteur en lui indiquant une chaise… « prenez donc la