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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/318

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LE FRANÇAIS

« Mon cher M. Morel », fit-il, « il m’est pénible de venir vous faire de la peine ; mais je vois que vous avez des illusions qu’il vous faudra perdre tôt ou tard. Je sais quelque chose que vous ne savez pas, M. Morel. À l’heure qu’il est Jacques Duval n’est plus aux chantiers ; il en est parti et il n’y retournera plus et, encore à l’heure qu’il est, Jacques Duval est plus que jamais décidé de partir, l’été prochain, pour Montréal ; à l’heure qu’il est, Jacques Duval déteste la terre, la campagne, à en avoir mal au cœur… Voilà, M. Morel, ce que je sais et que vous ne saviez pas… »

Jean-Baptiste Morel, perdant tout à coup son calme habituel, se leva d’un mouvement brusque et nerveux, frappa de trois ou quatre coups rapides sa pipe sur le cendrier du poêle puis, allongeant vers son voisin un long regard comme pour le défier :

— Vous savez, Monsieur, il faut pas s’moquer d’moi ! C’que vous m’dites là, c’est un peu fort. Encore hier, j’ai rencontré André Duval au village et il m’a dit comme ça qu’Jacques était encore chez les McLaughlin, au Lac-des-Loups, et qu’il reviendra seulement à la fonte des neiges. Peut-être même qu’il va faire la « drive » au printemps avant de r’venir… Prenez ça comme vous voudrez, M. Larivé… J’vous dirai même de plus qu’Jacques Duval a pas voulu venir passer l’temps des Fêtes à Ville-Marie… Hein ? qu’est-ce que vous dites de d’ça ?…

L’ancien industriel montréalais ne broncha pas. Avec calme, mesurant ses mots, il dit :