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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/35

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LE FRANÇAIS


II


La maison de Jean-Baptiste Morel est située dans le Quatrième rang de Ville-Marie, chef-lieu du comté de Témiscamingue, à un mille environ du village. La terre s’étend, du chemin du Roi vers une colline qu’elle escalade, à l’extrémité, par trois bandes de guéret en pente douce. Cette maison est déjà ce que l’on appelle dans la paroisse une vieille propriété ; elle a bon air. Sans autre clôture, pour la séparer du chemin du Roi, qu’une assez mauvaise claire-voie faite de petites planches de sapin blanchies au lait de chaux, elle a l’air d’avoir confiance dans le passant et offre son bon accueil sans exiger de garanties.

Ce pays du Témiscamingue a cette particularité rare d’être à la fois une contrée de colonisation, relativement nouvelle, et une région où presque tous les habitants, propriétaires d’une terre, peuvent se dire qu’ils sont sur la terre paternelle. C’est qu’en nul autre endroit le défrichement n’a marché avec autant de rapidité qu’au Témiscamingue ; les arbres de ce coin des légendaires forêts outaouaises étaient-ils à peine abattus que les champs surgissaient, s’étendaient et, quand les premiers colons qui défrichèrent les premiers lots durent laisser la place à leurs enfants, les coins de forêts qu’avait attaqué leur hache étaient devenus, déjà, de belles terres, toutes défrichées, claires