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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/59

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LE FRANÇAIS


III


La convalescence de Léon Lambert fut courte ; au milieu de mai, il put aider Jean-Baptiste Morel aux premiers travaux des semences. Dès ce moment, le jeune émigré déploya dans les multiples besognes de la ferme une ardeur et une habilité qui réjouirent grandement le fermier. Ce dernier fut encore plus heureux quand il remarqua l’intérêt que prenait son engagé à la bonne tenue de la terre et des bâtiments. C’est lui qui goûta le plus de plaisirs à la reprise complète des travaux de la belle saison. Léon Lambert, sans doute, se souvenait du coin cévenole où, sur une ingrate parcelle de terrain rocailleux, il exerçait la vigueur de son adolescence… La belle et bonne terre québécoise l’avait conquis d’emblée ; elle lui rappelait par tant d’aspects toute la nature de son pays natal : ses montagnes d’un profil si sévère, si noble, si hardi, où se découvrent toutes les richesses ; ses eaux qui défient l’éclat et la pureté du cristal, ses bêtes fidèles et « espritées » aux pieds sûrs et solides, et ses hommes honnêtes, énergiques et courageux.

Le printemps s’était présenté en beauté. L’âpre « nordet » devînt vite brise tiède et, vers le milieu de mai, déjà neige et glace avaient disparu tout à fait. L’herbe pointait à vue d’œil de la terre qui se gorgeait, pendant le jour, de bonnes ondées mêlées de soleil.