Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LE FRANÇAIS

Des femmes et des enfants du Rang sont accourus des maisons vers la Prairie du Ruisseau à Jean-Baptiste Morel et, perchés sur les clôtures, suivent les dernières péripéties de la corvée. Parmi les curieux, on remarque M. Larivé qui a laissé son automobile sur la route et qui assiste avec intérêt aux exploits des tâcherons parmi lesquels il a envoyé, le matin, quelques-uns de ses engagés. Les femmes, impitoyables, rient des efforts désespérés de Jacques Duval et se pâment d’admiration pour le Français…

Une troupe de fauvettes trichas passent au-dessus de la prairie en piaillant et en tourbillonnant. Des vaches dont c’est l’heure de la traite, meuglent dans des pacages voisins, et des chiens aboient dans toutes les directions comme surpris et fâchés de l’aspect inaccoutumé du Rang. Des corneilles volent pesamment au ras des taillis du trécarré. Les andains bruisants s’animent également… Une pie perchée sur une souche de pin semble raconter quelque chose de fort intéressant à des mulots qui sortent, curieux, d’en-dessous des tas de foin sec, tandis que deux pinsons en joie tirelirent sur un piquet de clôture.

Il s’est produit dans ce morceau de campagne un grand mouvement de vie. À présent, il ne reste plus debout qu’une mince lisière de foin, avant que les tâcherons ne s’arrêtent au ruisseau qui marque la limite du travail de la corvée.

Le soleil est maintenant juché au sommet d’un pic voisin de Cobalt. L’on dirait qu’il va s’arrêter pour voir les faucheurs donner leur dernier coup de