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LE « MEMBRE »

de son « scoop », annonçait que dans quelques jours, il publierait les noms des coupables.

La lecture de l’article fut interrompue, à chaque ligne, des cris hurlés sur tous les tons de « Honte ! Honte »

Ainsi, jusqu’au bon plaisir de ce journaliste une épouvantable épée de Damoclès allait rester suspendue sur la tête de chaque membre de cette Chambre… et de l’autre. Les coupables, en cette minute tragique, c’étaient, et cela pour un nombre de jours indéterminé, c’étaient tous les députés ; c’était Hébert, c’était Charbonneau, c’étaient Gringoire, Gorris, Charron, Langlais, enfin, c’étaient tous les députés du côté de l’opposition comme du côté ministériel ; c’étaient tous les ministres, du premier jusqu’à celui qui n’a pas même de portefeuille ; c’étaient tous les Conseillers Législatifs…

C’était trop fort, vraiment ! Toute la députation, du reste, s’en rendait compte, il fallait une enquête, immédiate, sans le plus léger retard, une enquête sérieuse, sévère, lumineuse. Au nom de toute la Chambre, c’est ce que demanda le député Laserge au premier ministre. Un instant, un énorme silence plana dans la salle. Pas un seul député, en ce moment, ne se cachait la gravité de la situation. L’honneur de chacun d’eux était attaqué : la réputation de tout un corps législatif, le plus respectable assurément de tout le pays, souffrait ; la bonne renommée même de la province de Québec, était ternie. Qui était le véritable coupable ? Quel était l’infâme Esau qui, après s’être lui-même ignoblement vendu à des étrangers, avait osé échanger quelques-uns de ses collègues con-