souvenait. C’est lui qui l’avait gagné quand il était jeune, pendant une de ses dernières vacances, à vendre des pilules roses par tout le rang. Il en avait vendu douze boites et la Compagnie des Produits Chimiques lui avait octroyé ce « set » en prime.
Le père Mansot et son fils soupèrent de bon appétit. Puis, quand ils eurent fini le dessert :
— Ça m’f’rait plaisir, dit le vieux, de t’avoir pour la veillée.
Donat ne répondit pas. Le père se leva et s’en fut à la cuisine ordonner à Jean d’atteler la jument au « sulky » pour conduire son garçon à la station, à huit heures ; puis, il revint s’asseoir.
— Et pi… tejours chanceux ?…
— Non…
— Asteur, qu’est-ce que te rapporte ta place ? Pas de « grattages » encore ?
— Père, je ne suis plus député. J’ai donné ma démission. J’ai essayé des « grattages » et ça ne m’a pas réussi.
— En effet, j’ai entendu parler de que’que chose comme ça. C’est Jos à Barnabé qui m’a appris ça. Il disait qu’il l’avait vu dans les papiers. Mais j’ai cru que c’était des menteries. Alors, c’est vrai ?
— C’est vrai, Jos à Barnabé avait raison.
— T’as tejours été un peu naïf… Et asteur, qu’est-ce que tu vas faire ?…
— Rester avec vous et travailler la terre, père…
Le vieux bondit sur sa chaise et ne poussa rien moins qu’un rugissement de joie.
— C’est vrai, ça, mon fiston ?…