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VI

Souvenirs.


Quand Donat Mansot, le soir du pique-nique des ministres, rentra dans la petite chambre de sa pension, rue des Jardins, l’espèce de mélancolie qui s’était emparée de lui dès le matin et qui ne l’avait pas quitté de toute la journée, s’évanouit tout à coup comme par une sorte de réaction assez naturelle chez les gens dont les idées n’ont guère de suite. Après qu’il eut grimpé quatre à quatre l’escalier et qu’il se fut enfermé, il laissa éclater sur son front des sentiments fous. Ce fut comme une explosion d’ivresse. Promenant autour de lui un regard de victorieux, il éprouva le sentiment d’un homme qui se verrait grandir du double en quelques minutes ou qui aurait découvert un nouveau ballon dirigeable. Il s’assit sur une mauvaise chaise devant la petite table sur laquelle il avait griffonné si longtemps des articles de journaux et des plans de discours.

Cela lui fit monter tout à coup à la tête un flot de souvenirs de cette époque dure où il cherchait sa voie.

Alors, il avait essayé de faire de l’éloquence : il avait vingt-deux ans, l’âge où l’on a d’ordinaire la parole facile. Car, si les femmes bavardent surtout quand elles sont vieilles, les hommes parlent surtout quand ils sont jeunes ; ce qui prouve incontestable-